




L'AMOUR PAREIL
L'amour est-il toujours le même? À mesure que l'on avance, les lueurs sentimentales passent et se ressemblent. On ne distingue plus les émois scriptés des rares remous du cœur. L'alcool fait flotter les mêmes mots, mêmes images, les élans les reculs vont et viennent pareils à l'écume qui passe légère sans creuser le sable.
L'été le corps est pareil à une plage où s'allongent d'autres corps laissant quelques traces d'un passage, mégots ou livres de gare oubliés. Les hivers plus calmes voient quelques promeneurs traverser sans s'arrêter, badauds remuant le sable en recherche d'une bague de promesse charriée vers la terre.L'amour est-il pareil au degré des marées que l'on guette pour aller pêcher? Est-il une perle lovée dans la bouche d'une huître, ou les milliers de reflets éclatés de son propre visage entre les rochers?


ETE 24
Il se demande s'il n'a jamais désiré autre chose qu'une approbation. Un regard ou un geste fondant comme une ombre sur une proie déjà captive. Dans la vie comme à la plage, il voudrait suivre l'élan de son sang bouillonnant vers chacun de ses membres : se dresser, avancer, libéré. Et tandis que défilent sous ses yeux les baigneurs alanguis, gorges offertes aux rires des mouettes en chasse, lui revient en mémoire une autre image d'été : cœur adolescent et fruit défait, dans sa bouche qui n'ose parler, par un flot de salive son chewing-gum désintégré. Son désir, pense-t-il, est ainsi fait : il s'étend, se déforme, s'élastique, se conforme à la cage d'une bouche jusqu'à épuisement de saveur. Revenu au moment présent, il saisit une poignée de sable qui file entre ses doigts et se dit qu'il reste un peu de temps pour retrouver l'arbitre en lui qui pèse le pour et balaye le contre.






CHAIR
Bouts de chair comme des morceaux de fruits suitant dans une corbeille d'été.Sur le lit ce sont des parts de nous qui s'enchevêtrent, et nos rêves flottent en l'air bientôt pris dans la moustiquaire. Par la fenêtre ouverte des voix nous parviennent qui nous rappellent à l'ordinaire d'une fin de journée sans nuage et par 35 degrés, quand les heures se mélangent et que le corps n'a plus soif que d'air et d'eau. Entre nos membres c'est comme s'il n'existait plus d'attaches, comme des bouts de pâte à modeler sans os pour les relier, et guère de sentiment qui désaltère nos esprits secs.
Dans un dernier effort le corps s'étale, dépensé, alangui dans des draps humides, les pensées vaquent, le retour au sol est amer comme le goût de la pulpe du fruit, fendu en son cœur sous effet de chaleur.



TENTATIVE
Ses membres imberbes sont tendus, sa peau montre de légers signes d'âge.
Le haut de son crâne est une île de cheveux doux que je caresse timidement.Son corps est un bois dur qui s'enfonce dans le moelleux du canapé,
et tout mon calme ne sait apaiser la crispation de sa présence indécise.
Je reste un instant suspendu dans le silence de cette pièce inconnue, quand se referme comme un coquillage hors de l'eau tout son être désormais sans prise.
Derrière moi se referme déjà cette porte à peine passée. Je dévale quatre à quatre les quelques étages qui me séparent de la nuit,
et j'ai devant moi d'autres tentatives, comme autant de coursives d'un vieil immeuble parisien. Mais pour l'heure je me hâte vers la Gare du Nord, attraper le dernier train.




SIESTE
Il semble serein,
quand il prépare un mets fin
après que son corps ait pris du repos,
délesté de tout poids
-ce que je crois-
tandis que si longtemps
j'ai nourri mon cœur à l'angoisse.
Est-ce ainsi que la vie se passe,
simple et muette,
dénuée de sens et de rêve,
comme le silence d'une sieste?







L'AMOUR PAREIL
L'amour est-il toujours le même? À mesure que l'on avance, les lueurs sentimentales passent et se ressemblent. On ne distingue plus les émois scriptés des rares remous du cœur. L'alcool fait flotter les mêmes mots, mêmes images, les élans les reculs vont et viennent pareils à l'écume qui passe légère sans creuser le sable.
L'été le corps est pareil à une plage où s'allongent d'autres corps laissant quelques traces d'un passage, mégots ou livres de gare oubliés. Les hivers plus calmes voient quelques promeneurs traverser sans s'arrêter, badauds remuant le sable en recherche d'une bague de promesse charriée vers la terre.L'amour est-il pareil au degré des marées que l'on guette pour aller pêcher? Est-il une perle lovée dans la bouche d'une huître, ou les milliers de reflets éclatés de son propre visage entre les rochers?


ETE 24
Il se demande s'il n'a jamais désiré autre chose qu'une approbation. Un regard ou un geste fondant comme une ombre sur une proie déjà captive. Dans la vie comme à la plage, il voudrait suivre l'élan de son sang bouillonnant vers chacun de ses membres : se dresser, avancer, libéré. Et tandis que défilent sous ses yeux les baigneurs alanguis, gorges offertes aux rires des mouettes en chasse, lui revient en mémoire une autre image d'été : cœur adolescent et fruit défait, dans sa bouche qui n'ose parler, par un flot de salive son chewing-gum désintégré. Son désir, pense-t-il, est ainsi fait : il s'étend, se déforme, s'élastique, se conforme à la cage d'une bouche jusqu'à épuisement de saveur. Revenu au moment présent, il saisit une poignée de sable qui file entre ses doigts et se dit qu'il reste un peu de temps pour retrouver l'arbitre en lui qui pèse le pour et balaye le contre.






CHAIR
Bouts de chair comme des morceaux de fruits suitant dans une corbeille d'été.Sur le lit ce sont des parts de nous qui s'enchevêtrent, et nos rêves flottent en l'air bientôt pris dans la moustiquaire. Par la fenêtre ouverte des voix nous parviennent qui nous rappellent à l'ordinaire d'une fin de journée sans nuage et par 35 degrés, quand les heures se mélangent et que le corps n'a plus soif que d'air et d'eau. Entre nos membres c'est comme s'il n'existait plus d'attaches, comme des bouts de pâte à modeler sans os pour les relier, et guère de sentiment qui désaltère nos esprits secs.
Dans un dernier effort le corps s'étale, dépensé, alangui dans des draps humides, les pensées vaquent, le retour au sol est amer comme le goût de la pulpe du fruit, fendu en son cœur sous effet de chaleur.



TENTATIVE
Ses membres imberbes sont tendus, sa peau montre de légers signes d'âge.
Le haut de son crâne est une île de cheveux doux que je caresse timidement.Son corps est un bois dur qui s'enfonce dans le moelleux du canapé,
et tout mon calme ne sait apaiser la crispation de sa présence indécise.
Je reste un instant suspendu dans le silence de cette pièce inconnue, quand se referme comme un coquillage hors de l'eau tout son être désormais sans prise.
Derrière moi se referme déjà cette porte à peine passée. Je dévale quatre à quatre les quelques étages qui me séparent de la nuit,
et j'ai devant moi d'autres tentatives, comme autant de coursives d'un vieil immeuble parisien. Mais pour l'heure je me hâte vers la Gare du Nord, attraper le dernier train.




SIESTE
Il semble serein,
quand il prépare un mets fin
après que son corps ait pris du repos,
délesté de tout poids
-ce que je crois-
tandis que si longtemps
j'ai nourri mon cœur à l'angoisse.
Est-ce ainsi que la vie se passe,
simple et muette,
dénuée de sens et de rêve,
comme le silence d'une sieste?

